Je pensais en avoir fini avec le Lady Iseut, j'étais loin de me douter à quel point je me trompais. Le lendemain, vers 12 heures le téléphone sonnait. C'était le nouvel armateur du Lady Iseut qui m'appelait avec dans la voix un accent de panique. Il n'y avait plus de courant à bord. Il m'a d'abord passé Klaus, toujours aussi paumé, incapable de m'expliquer ce qu'il avait fait pour engendrer cette situation. J'ai essayé de lui expliquer comment rétablir le courant à bord, selon une procédure commune à tous les navires, mais là encore, Klaus était incapable de comprendre ce que je lui expliquais. Il a alors passé le téléphone au nouveau capitaine qui venait d'arriver le matin même. Je recommençais mes explications, mais là encore, j'avais l'impression de parler chinois. Je me résous donc à leur dire d'isoler les batteries de service, pour ne pas les épuiser et d'attendre mon arrivée. Puis je sautais dans ma voiture pour parcourir les 150 kilomètres qui me séparaient de la Seine Sur Mer.
La procédure que l'on doit exécuter en cas de full black-out sur un yacht est pourtant assez simple. Il suffit de se rendre sur le tableau général et de tout couper. Puis de réenclencher le disjoncteur de quai, sensé protéger le yacht d'un court-circuit au quai. Ce dernier se situe dans un boitier à part, dans la salle de machine, à moins de deux mètres du tableau principale. Puis l'on réenclenche le disjoncteur du tableau principal, qui réparti le 380v et le 220v. Ensuite un à un on remet en route les disjoncteurs qui doivent être en fonction. Trois d'entre eux ne devaient plus être activés. J'avait en effet signalé à Klaus que la Clim n'ayant plus de gaz, il était néfaste de vouloir la faire fonctionner. Tout comme le désalanisateur, la machine qui transforme l'eau de mer en eau douce. D'abord, parce qu'elle ne doit jamais fonctionner dans les eaux d'un port, trop polluées et ensuite parce que ce dernier n'avait pas été remis en service depuis des années. Mais surtout il ne fallait pas remettre en fonction l'un des deux chauffe-eaux qui était en court-circuit et faisait disjoncter tout le navire. Ces trois disjoncteurs étaient repérés sur le tableau par de l'adhésif rouge.
Une fois le 220 volts remis en route on répète la même opération sur le tableau 24 volts et le tour et joué. Si en réenclenchant l'un des disjoncteurs le courant saute à nouveau, c'est qu'une nouvelle panne a surgit, il suffit alors de repérer le disjoncteur et de ne plus le remettre en service en attendant la réparation.
Ça n'est pas une procédure bien compliquée, c'est d'ailleurs celle que chacun d'entre vous applique chez lui lors qu'il est confronté à un problème de courant qui disjoncte. Pourtant, autant le chef des machines que le nouveau capitaine, n'étaient pas parvenus à exécuter proprement cette simple procédure.
Lorsque je suis arrivé sur les lieux, Helmut me présenta fièrement son nouveau capitaine, Autrichien lui aussi et visible assez imbu de lui-même. Helmut, me dit qu'il avait été capitaine d'un cinquante mètres, j'aurais au vu de ses aptitudes, plutôt dit un cinquante pieds (15 mètres). Un autre gars était là aussi, un ami d'Helmut, celui là s'avéra plus compétent que les deux autres.
J'ai commencé par faire taire la sirène de l'alarme incendie, qui hurlait maintenant depuis plus de deux heures, ayant détecté qu'elle ne recevait plus le 24 volts du bord. Je leur ai expliqué, qu'il fallait l'éteindre pour deux raisons, elle ajoutait du stress à l'équipage, ce qui invalide un bon raisonnement dans le calme. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle dans un cockpit ou une timonerie, lorsque l'on a pris connaissance d'une alarme, on l'éteint immédiatement. La deuxième raison étant que la sirène ne fonctionnait plus que sur une pile de 9 volts, faisant office de réserve de marche et qu'il ne fallait pas épuiser cette pile pour le cas ou on aurait à nouveau besoin de l'alarme.
Je précise aussi que j'avais fait poser une alarme incendie, à bord du Lady Iseut qui n'en avait plus. Mais pour le moment il n'y avait que trois détecteurs ; un dans la salle des machines, un dans le salon et un dans la cuisine. Il avait été prévu d'attendre que commencent les vrais travaux de restauration, pour compléter le tout.
Je suis ensuite allé en salle des machines pour vérifier que l'équipage avait bien isolé les batteries. Ce qui n'était pas le cas. Le fait que l'alarme incendie s'était mise à sonner, prouvait que les batteries étaient complètement à plat. Il faut savoir que des batteries au plomb une fois à plat, ont très peu de chances de tenir la charge...